Budget du Québec 2022-2023 : des mesures pour de très nombreux secteurs, mais trop peu pour stimuler la main-d’œuvre
Fidèle à ses habitudes, une équipe d’experts de Raymond Chabot Grant Thornton rend public son Bulletin fiscal, qui fait état des mesures fiscales contenues dans le budget du Québec, dévoilé le 22 mars par le ministre des Finances du Québec, M. Éric Girard.
Profitant de cette occasion, la firme tient de nouveau à faire part des observations à l’égard de ce quatrième et dernier budget déposé par le gouvernement caquiste avant l’élection générale cet automne. Ce budget préélectoral s’inscrit dans un contexte de « presque » postpandémie, mais où les effets liés entre autres à l’inflation, à la guerre en Ukraine ou à une sixième vague de pandémie pourraient influer négativement sur les perspectives financières qui, actuellement, découlent d’une économie vigoureuse et d’une saine planification budgétaire.
Notons que selon le cadre financier actuel, l’équilibre budgétaire, au sens comptable, soit sans contribution au Fonds des générations, serait atteint dès 2023-2024. Après versement au Fonds des générations, l’année 2023-2024 se solderait avec un déficit budgétaire de 3,9 G$ et un retour à l’équilibre budgétaire serait toujours maintenu pour 2027-2028.
Favoriser la croissance en intervenant sur plusieurs fronts avec une action limitée pour contrer l’inflation
Raymond Chabot Grant Thornton tient d’abord à souligner que le présent budget cible de très nombreux secteurs d’activité. « Santé, éducation, tourisme, culture, développement régional, environnement, communautaire, nombreux sont les acteurs qui trouvent leur compte dans ce budget », a tenu d’emblée à souligner le vice-président régional et leader national en transfert d’entreprises de la firme, Éric Dufour.
Pour les entreprises, « la firme tient à saluer, notamment, la mise en place de la nouvelle stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, dotée d’une enveloppe de 1,3 G$; la prolongation d’un an de la bonification du crédit d’impôt à l’investissement et à l’innovation, le C3i, représentant un investissement de 156 M$; et le soutien important aux secteurs du tourisme et de la culture, durement éprouvés par la pandémie, à hauteur, respectivement, de 304 M$ sur six ans et de 258 M$ sur cinq ans », a soulevé l’associé en fiscalité, Jean-Pierre Poulin.
Quant à l’investissement de 3,2 G$ pour diminuer la pression inflationniste chez 6,4 millions d’adultes québécois ayant un revenu de moins de 100 000 $, « cela peut contribuer à limiter très partiellement l’impact de l’inflation sur les finances personnelles et des ménages. Il n’en demeure pas moins que d’autres actions demeurent nécessaires pour contrer plus significativement la hausse des prix, notamment par des mesures fiscales ou financières pour encourager l’épargne », a ajouté l’associé en fiscalité, Sylvain Gilbert.
La main-d’œuvre : la planche de salut des entreprises
S’il y a une priorité commune pour toutes les organisations, c’est bien celle de la main-d’œuvre. Faire face à la pénurie de talents en entreprise est le défi de chaque dirigeant et entrepreneur. Malheureusement, le présent budget répond très peu à ce problème. Faciliter l’intégration en emploi des personnes immigrantes, avec une nouvelle enveloppe de 290 M$, dont 12 M$ sur cinq ans pour accélérer le traitement des demandes d’immigration, est une bonne nouvelle. Malgré cela, le gouvernement du Québec doit aller plus loin, comme le proposait d’ailleurs Raymond Chabot Grant Thornton dans sa soumission prébudgétaire de février dernier.
Par exemple, afin d’inciter les travailleurs expérimentés à demeurer au travail ou à y retourner, la firme recommandait de créer un bouclier fiscal avec une bonification du crédit d’impôt pour prolongation de carrière. Actuellement, ce crédit n’a malheureusement d’effet que pour les travailleurs à faibles revenus. « Aussi, pour créer un véritable incitatif chez les travailleurs expérimentés, les prestations auxquelles ils ont droit à la retraite ne doivent pas être hypothéquées », a insisté Sylvain Gilbert.
Rappelons que Raymond Chabot Grant Thornton suggérait que le taux du crédit pour prolongation de carrière demeure à 15 %, mais que la franchise de 5 000 $ devait être abolie et qu’aucune réduction de ce crédit ne soit appliquée, peu importe les revenus imposables touchés par le particulier. La firme proposait également qu’un bouclier fiscal soit appliqué si un particulier reçoit les prestations de la pension de la Sécurité de la vieillesse ou du Supplément de revenu garanti et qu’il fait le choix de travailler après 60 ans. Ce faisant, les prestations des programmes sociaux versées au particulier seraient compensées par un crédit d’impôt remboursable advenant une réduction ou une perte de ces programmes sociaux, jusqu’à une augmentation de salaire admissible annuelle de 20 000 $, par exemple. Une telle avenue est à privilégier rapidement pour encourager les travailleurs expérimentés à rester plus longtemps sur le marché du travail.
Par ailleurs, en ce qui a trait à la contribution des travailleurs étrangers temporaires aux besoins criants de main-d’œuvre des entreprises québécoises, d’autres ajustements s’imposent, comme le notait la firme dans ses recommandations prébudgétaires.
« Si le gouvernement du Québec veut réduire davantage les délais de traitement de dossiers des candidats attribuables au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), alors il ne doit plus obliger les entreprises à cibler le candidat étranger avant qu’elles ne puissent entreprendre les procédures administratives de recrutement de candidats », a affirmé Marc Audet, président d’AURAY Sourcing, spécialisé en recrutement international et membre de Raymond Chabot Grant Thornton.
Malheureusement, le processus actuel au Québec lié au PTET pénalise nos PME comparativement à ce qui se fait ailleurs au Canada pour recruter un travailleur étranger. Alors que dans le reste du Canada un employeur peut entreprendre la procédure sans avoir ciblé un candidat (appelée Évaluation de l’impact sur le marché du travail [EIMT] sans nom de travailleur ou EIMT Ouvert – Unnamed LMIA), les entreprises québécoises doivent l’avoir trouvé avant d’entamer les démarches de recrutement. Cette exigence allonge le processus québécois comparativement à celui des autres provinces. Dans les autres provinces canadiennes, la procédure de recrutement à l’étranger peut se dérouler en même temps qu’une demande d’EIMT. On peut ainsi réduire de trois à quatre mois le délai de traitement pour l’employeur. Lorsque l’EIMT Ouvert est obtenu, l’employeur n’a qu’à valider les candidats sélectionnés avec Service Canada, ce qui prend de cinq à dix jours.
Bien-être psychologique des entrepreneurs et des dirigeants : soutenons-les sur la route de la croissance
Outre différentes mesures déjà annoncées pour la santé psychologique des Québécois et des travailleurs, dont le Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026 de plus d’un milliard de dollars que nous saluons, force est d’admettre qu’il n’y a pas de soutien pour nos entrepreneurs et nos dirigeants.
Même si la pandémie tire à fin, plusieurs leaders ont du mal à reprendre la route de la croissance en raison de nombreux défis qu’ils ont dû surmonter ou avec lesquels ils doivent toujours composer, comme les soucis d’ordre personnel, les enjeux d’affaires comme le flux de trésorerie, ainsi que la gestion des revenus, des profits et des dépenses.
« Un programme d’accompagnement, soutenu par des conseillers externes, qui permettrait aux entrepreneurs d’obtenir un diagnostic de santé globale entrepreneuriale visant à faciliter la prise de décision et la gestion de l’organisation, particulièrement dans un environnement de relance et de changements, devrait être envisagé rapidement et financé en partie par le gouvernement du Québec », a conclu Éric Dufour.
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