Des fonds sont disponibles pour vos projets d’entreprise, mais compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, est-ce le bon moment pour investir?
Vous avez mis sur la glace vos projets d’investissement dans la première année de la pandémie? Vous avez repoussé de un an les pourparlers concernant la vente de votre entreprise? Vous avez dû investir rapidement en technologies pour vous adapter à la nouvelle réalité? Vous souhaitez relancer vos projets, mais l’inflation actuelle amène de nouvelles questions?
Si vous hochez la tête avec un léger air de découragement, vous n’êtes pas seul. Chaque organisation est unique et vous devez prendre le temps de bien analyser votre situation.
Augmentation inédite en trente ans
En effet, l’inflation galope avec des augmentations inédites en 30 ans de 6,8 % sur une période de 12 mois (d’avril 2021 à avril 2022), affectée notamment par le cours du pétrole, lui-même subissant une augmentation présentement exacerbée par le conflit armé en Ukraine.
La bourse mondiale affiche un laborieux début d’année avec ses principaux indices en déclin (notamment -12 % pour le S&P 500, -8,5 % pour le Dow Jones et -23 % pour le NASDAQ), et ce, malgré une légère augmentation depuis la fin mai.
Avec la fin de plusieurs programmes d’aide gouvernementale et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui s’accentue, les dirigeants d’entreprise sont freinés dans leur productivité et leur croissance.
La Banque mondiale parle de plus en plus de risque de stagflation à l’échelle planétaire, et il demeure important d’être prudent dans nos prévisions.
Le financement est disponible
La bonne nouvelle, c’est qu’il y a beaucoup d’argent dans le marché actuellement. Bien que plusieurs entreprises aient appuyé sur l’accélérateur dès la deuxième année de la pandémie et aient déjà mis leur projet en branle, plusieurs fonds d’investissement ont encore beaucoup de liquidités à prêter et les institutions ont une volonté de participer à la relance économique.
Les banques, quant à elles, ont pour la plupart mis d’importantes réserves de liquidités de côté en début de pandémie pour faire face aux possibles défauts de paiement de leurs clients, mais ces réserves ont été, somme toute, peu utilisées. En soi, c’est une excellente nouvelle, puisque ça signifie que nos entreprises se sont mieux tirées d’affaire que prévu. Les sommes réservées sont donc actuellement disponibles pour les entreprises.
Les différents organismes gouvernementaux, pour leur part, ont comme ligne directrice d’appuyer la relance économique et ceci passe par différents programmes, ou encore par une flexibilité accrue dans la prise de décision de crédit. Bref, les sources de fonds sont là pour l’entrepreneur qui souhaite aller de l’avant.
Le taux d’intérêt comme facteur de risque
La hausse (actuelle et à venir) des taux d’intérêt est toutefois un facteur à ne pas négliger dans vos calculs et dans votre stratégie. La Banque du Canada a haussé successivement son taux directeur de 0,25 % (mars 2022), de 0,5 % (avril 2022) et de 0,5 % une seconde fois (juin 2022), pour s’établir à 1,5 %. Il n’y a pas péril en la demeure pour l’instant, puisque le taux directeur prépandémique de la Banque du Canada s’établissait à 1,75 %. Nous sommes donc presque revenus à ce niveau. Ce n’est toutefois pas terminé.
Depuis la crise économique de 2008-2009, les taux bancaires fixes 5 ans (le taux chouchou des Canadiens) moyens affichés ont varié autour de 5 %. Comme les données provenant des banques à ce sujet ne sont pas disponibles avant 1970, on peut affirmer que nous n’avons pas connu un tel niveau en plus de 50 ans.
La Banque du Canada a annoncé à mots peu couverts des hausses à venir dans les prochains mois pour continuer de tenter de freiner l’inflation. Celles-ci seront probablement – les avis varient entre les économistes des grandes banques – de l’ordre de 0,5 % à 1,5 %. La Banque du Canada a récemment prévenu qu’une hausse dès juillet de 0,75 % n’était pas exclue. Il y a fort à parier que l’inflation devra être considérablement plus clémente avant que ça ne cesse.
Dans ce contexte, les grandes banques canadiennes ont pris la décision de hausser leur taux préférentiel, qui était de 2,45 % depuis mars 2020, à 3,2 % en avril 2022. À titre comparatif, le seul autre moment où ce taux de référence a été plus bas était en 2009 en pleine crise économique, où il était de 2,25 %.
Pas de panique, les taux sont encore ce qu’on peut généralement appeler comme étant « bas ». Les plus expérimentés d’entre nous se souviendront de la période au début des années 1980 où les taux oscillaient entre 15 % et 25 %. Disons que les calculs de taux de rendement ne sont pas les mêmes pour un projet d’investissement dans ce contexte.
Vous comprendrez que nous sommes ici très loin de ce niveau, mais il demeure important de bien prévoir le financement de son projet pour que la variabilité des taux d’intérêt ne devienne pas un facteur de risque important.
Quelle structure de taux choisir pour votre entreprise?
La réponse à cette question va malheureusement toujours être : « Ça dépend ». Ça dépend, notamment :
- si un des actifs mis en garantie sera potentiellement vendu à court terme;
- si vous avez une marge de manœuvre appréciable dans vos liquidités générées par les opérations pour être en mesure d’absorber potentiellement une hausse de taux à court terme;
- de votre niveau de tolérance au risque;
- de votre intérêt à recommencer une séquence de négociation avec votre partenaire financier l’an prochain.
Ces facteurs sont les mêmes qu’en situation de bas taux d’intérêt, comme nous venons de connaître dans les treize dernières années.
Il faut toutefois être conscient que ce coût augmente, que ça implique donc que le coût global relié à votre projet augmente et que votre calcul de taux de rendement interne en sera affecté.
Si vous êtes acheteur, ceci influencera à la baisse le prix que vous êtes prêt à payer pour conclure la transaction.
À l’inverse, si vous êtes vendeur, vous devez être conscient que les taux offerts sur le marché peuvent avoir un impact sur l’évaluation de votre entreprise et que votre acquéreur aura cet aspect en tête lors de ses réflexions.
Selon sa situation financière, l’acquéreur verra aussi potentiellement sa capacité d’emprunt réduite et, conséquemment, le prix qu’il est en mesure de vous offrir. Peut-être voudra-t-il quand même aller de l’avant et honorer le prix entendu, mais qu’il vous demandera de vous impliquer davantage (par exemple, par une balance de prix de vente plus importante).
La bonne décision sera toujours celle qui s’accorde avec vos objectifs à court, moyen et long terme. Il faut évaluer votre situation et s’assurer de ne pas mettre en péril la pérennité de vos opérations.
Des choix différents selon la nature du projet
Rappelez-vous que vous êtes un entrepreneur, pas un négociateur sur le marché financier. Oubliez les structures complexes impliquant un swap de taux d’intérêt ou autres. Si vous ne comprenez pas bien les tenants et aboutissants de ce qui vous est proposé, optez pour une autre solution. Toutefois, si vous êtes bien accompagné pour comprendre ce type de structure, il peut y avoir des occasions intéressantes à saisir.
De même, le contexte de la transaction peut avoir un impact sur le taux qui vous sera offert, ou que vous choisirez. Par exemple, l’acquisition d’un immeuble est très facile à financer présentement et vous opterez probablement pour le taux le plus bas qui vous est proposé. Toutefois, peut-être qu’un manque de liquidités excédentaires vous poussera à opter pour une quotité de financement de 100 % ou plus, ce qui engendrera un taux d’intérêt plus élevé.
Prenons un autre exemple, le type de projet qui impose le plus grand stress à la structure financière d’une organisation : une acquisition. Si vous faites l’acquisition d’une entreprise, il sera probablement plus judicieux d’opter pour une structure de financement permissive et flexible, laquelle sera certainement accompagnée d’un taux d’intérêt plus élevé. Si le contexte s’y prête, il y a fort à parier que le coût supplémentaire relié au taux d’intérêt plus élevé en vaudra la peine pour le risque opérationnel réduit qu’il vous permet d’obtenir.
Le financement d’un projet : un processus complexe
Le financement d’un projet demande une réflexion éclairée et une analyse pointue de vos besoins. Afin de vous assurer de prendre la meilleure décision pour votre entreprise, l’accompagnement d’un expert peut s’avérer un atout précieux. Il pourra vous conseiller sur la meilleure voie à suivre et vous assister lors de la recherche de financement et de la négociation avec les partenaires financiers.