En pleine campagne électorale fédérale, les partis s’activent pour présenter les promesses qu’ils comptent réaliser au cours d’un éventuel mandat.
L’enjeu de nos finances publiques est moins électoraliste comme mesure, mais combien important pour la santé financière du pays.
Pour assurer le bien-être des générations futures, il y a lieu de s’attaquer dès maintenant à équilibrer le budget dans un avenir rapproché et à réduire la dette publique. Cela est dans l’intérêt de tous, car en léguant un lourd fardeau financier à nos enfants, nous réduisons leur liberté à faire des choix propres à leur conjoncture. Bref, nous hypothéquons leur avenir et, d’une certaine façon, leur bien-être.
« Deux budgets » pour un plan budgétaire clair et prévisible
En raison de l’importance de l’endettement accumulé par la pandémie, Raymond Chabot Grant Thornton croit qu’un cadre budgétaire ciblé visant le déficit et la dette générés par les mesures d’aide devrait être mis en place et présenté distinctement des mesures que l’on peut retrouver dans un contexte budgétaire « normal ». Le prochain gouvernement fédéral doit présenter des mesures budgétaires qui s’inscrivent dans un plan budgétaire clair et prévisible. Pour ce faire, la firme considère que les mesures à être annoncées, dont certaines, audacieuses, voire ambitieuses, peuvent être appliquées temporairement, devraient servir à la fois à générer rapidement de la richesse dans l’économie et à diminuer le déficit et l’endettement résultant des récentes interventions gouvernementales.
La firme estime donc qu’il est important de procéder à l’annonce de mesures définies à l’intérieur de deux cadres budgétaires. En d’autres mots, le prochain plan budgétaire devrait être présenté en deux grands volets ou en « budgets » distincts. Un premier cadre budgétaire serait établi pour répondre au déficit extraordinaire et à la dette générée par la pandémie depuis mars 2020, et un second cadre budgétaire serait élaboré pour faire face plus particulièrement aux besoins des acteurs, dont les entreprises, que l’on retrouve dans une situation plus normale, comme avant la pandémie.
Il s’agirait là d’un plan budgétaire exceptionnel pour répondre à un contexte extraordinaire. Ce plan permettrait ainsi de distinguer, d’une part, les mesures qui viseraient à générer de la richesse tout en contribuant à diminuer la dette et le déficit liés aux interventions financières du gouvernement à l’égard de la pandémie; et, d’autre part, celles qui s’appliqueraient dans un contexte « normal » budgétaire et qui répondent à des besoins de nos entreprises.
Rappelons que même avant la pandémie, pendant que les conditions gagnantes pour générer des surplus étaient présentes notamment avec le plein emploi, les coffres de l’État affichaient néanmoins un déficit de 14 G$ au 31 mars 2019 et un déficit de 39,4 G$ au 31 mars 2020.
Avec un déficit prévu de 24,6 G$ en mars 2026, selon un récent rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget, après un déficit historique de 334,7 G$ (prévision au 31 mars 2021) et de 138,2 G$ pour le prochain exercice – et potentiellement une hausse des déficits prévus, il y a lieu de s’affairer sans tarder à mettre en ordre nos finances publiques. Le diable est dans les détails!
Quant à la dette fédérale, elle se chiffrait déjà à 721,4 G$ en 2019-2020. Il est prévu qu’elle atteigne 1194,1 G$ pour l’exercice financier en cours et 1321,8 G$ en mars 2026, ce qui est loin d’être négligeable!
Chose certaine, l’intervention énergique dans l’économie pour faire face à la pandémie était inévitable et le demeure, car les effets de la crise auraient été nettement plus dévastateurs si rien n’avait été fait. Le prochain gouvernement doit poursuivre ces efforts en matière de relance économique en venant en aide aux populations les plus vulnérables et aux entreprises issues de secteurs d’activité plus durement touchés par la pandémie. Il faut désormais faire place à des mesures ciblées par secteur d’activité.
À titre d’exemple, il est clair que l’enjeu de l’environnement revêt une importance cruciale pour cette élection. Les jeunes et les moins jeunes, les organisations et de très nombreux acteurs ont à cœur la protection de l’environnement. Cela est d’autant plus important pour l’avenir de notre planète et le bien-être des générations futures. L’enjeu des finances publiques, quant à lui, doit être vu comme une priorité similaire, car il crée les moyens financiers permettant d’implanter des mesures concrètes pour l’environnement.
Réduire la dette pandémique sans augmenter les impôts et les taxes : une avenue à privilégier
L’état des finances publiques nous condamne à soutenir la croissance économique des entreprises afin d’élargir l’assiette fiscale par la création d’emplois, particulièrement dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Les solutions pour la prochaine génération à ce dilemme viendront aussi d’une immigration et d’une intégration bien orchestrées.
Les contribuables canadiens sont déjà trop taxés. Le gouvernement fédéral ne doit certes pas emprunter cette voie pour engranger de nouveaux revenus. La pression fiscale est déjà très élevée au Québec : 1er rang au Canada et 11e rang sur 38 des pays présentant le poids le plus élevé quand on l’insère dans une comparaison avec les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Des hausses d’impôt ne seraient donc ni souhaitables ni soutenables. Pour les entreprises qui ont toujours besoin de liquidités pour relever les défis de la relance en créant des emplois et en étant plus productives, une telle avenue est assurément à éviter.
Le prochain gouvernement fédéral devrait considérer l’instauration de mesures fiscales temporaires de manière à accélérer l’encaissement des impôts latents, qui seraient de toute façon perçus plus tard. Raymond Chabot Grant Thornton a d’ailleurs proposé de telles mesures dans sa soumission prébudgétaire fédérale 2021.
Pour une période de 24 mois :
- Permettre de retirer des REER à un taux d’impôt fédéral et provincial combiné de 15 % dès maintenant en établissant un mécanisme structuré pour assurer une saine gestion du fonds de retraite;
- Payer immédiatement les impôts latents sur la plus-value relatifs aux actifs détenus (actions en bourse, propriété à revenus, etc.) aussi à un taux fédéral et provincial combiné de 15 %;
- Permettre aux contribuables canadiens de faire le choix de retirer des fonds de leur société de gestion, moyennant un taux d’impôt fédéral et provincial combiné de 20 %, applicable aux dividendes versés;
- Permettre aux sociétés d’augmenter leur compte de dividende en capital à hauteur de 30 % des dépenses liées à la santé de leurs employés. Ces dépenses provenant du privé créeront de meilleures habitudes de vie et réduiront les dépenses en santé de manière rentable dans l’avenir. La société visée pourrait ainsi verser à ses actionnaires l’équivalent de 30 % des dépenses admissibles en dividendes libres d’impôt.
Accroître l’assiette fiscale en redémarrant le programme fédéral d’immigrants investisseurs
De plus, nous croyons opportun de redémarrer les programmes d’immigrants investisseurs, tant au fédéral qu’au Québec, afin d’accroître les investissements étrangers au pays et de contribuer à la relance économique. Le Canada ne recrute plus ce type d’investisseurs depuis 2012 et a mis officiellement fin à son programme en 2014. Dans un contexte de relance, ce programme devient encore plus pertinent, puisque ses retombées économiques sont considérables pour l’économie. Notons que, pendant ce temps, entre 2015 et 2020, nos voisins américains ont recruté, par l’intermédiaire de leur programme d’immigrants investisseurs (EB-5), plus de 55 000 investisseurs, requérant de chacun un investissement de 500 000 $US qui est attribué au soutien de l’économie américaine. Du côté de l’Europe, c’est près de 22 G€ qui ont été investis entre 2015 et 2019 par des investisseurs étrangers dans les différentes juridictions offrant ce type de programme d’immigration.
Il s’agit de mesures fiscales audacieuses qui pourraient être rapidement implantées, tout comme la réactivation du programme fédéral des immigrants investisseurs. Il en va de notre équité intergénérationnelle et de la stabilité des dépenses publiques. Le gouvernement fédéral et ceux des provinces comme le Québec ont la possibilité de bénéficier d’entrées d’argent supplémentaires sans alourdir le fardeau fiscal des contribuables. Les dettes accumulées en raison de la pandémie seraient réduites, de sorte qu’on atteigne un équilibre budgétaire plus rapidement et qu’on évite d’hypothéquer les générations futures.