Nous reproduisons ici le contenu de la lettre transmise par le président et chef de la direction de notre firme, Emilio B. Imbriglio, à l’honorable Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada, le 25 septembre 2020.
Objet : La relance et les finances publiques : deux défis à relever pour la compétitivité et la prospérité du Canada
Madame la Ministre,
Au nom de Raymond Chabot Grant Thornton, je tiens d’abord à vous transmettre nos plus chaleureuses félicitations concernant votre récente nomination à titre de ministre des Finances. Je vous souhaite le meilleur des succès dans vos nouvelles fonctions, notamment dans le présent contexte qui requiert des actions structurantes pour l’économie canadienne et pour ses entreprises créatrices de richesses. Votre leadership et votre talent contribueront assurément à redonner à notre économie et aux moteurs économiques canadiens l’élan nécessaire pour réussir.
Pour faire suite au discours du Trône dans lequel la relance de l’économie est une priorité, j’aimerais vous faire part de certaines réflexions qui visent à contribuer à la compétitivité et à la pérennité des entreprises, surtout des PME, tout en favorisant un climat d’affaires plus concurrentiel. Raymond Chabot Grant Thornton agit à titre de conseiller privilégié des entrepreneurs et des dirigeants depuis plus de 70 ans et, particulièrement, depuis le jour 1 de la pandémie. Notre équipe de 2 800 professionnels répartis dans plus de 100 bureaux au Québec et dans les régions d’Ottawa et d’Edmundston partage la même ambition, soit de donner aux entreprises d’ici les moyens de leurs ambitions.
1. Mesures pour adapter le modèle d’affaires de l’entreprise
Raymond Chabot Grant Thornton tient à souligner tous les efforts du gouvernement fédéral pour soutenir les organisations à traverser cette crise sans précédent. Depuis le début de la pandémie, plusieurs mesures gouvernementales ont permis – et permettent encore – de protéger les liquidités des entreprises, de maintenir les emplois et d’appuyer financièrement les travailleurs. Ces appuis financiers sont essentiels pour assurer la continuité des activités des organisations dans un contexte économique difficile et incertain. Toutefois, plusieurs d’entre elles n’ont ni les ressources financières ni les compétences humaines à l’interne pour élaborer un modèle d’affaires renouvelé et adapté à la nouvelle réalité des affaires propre à leur secteur d’activité.
C’est pourquoi nous invitons le gouvernement fédéral à procéder, très rapidement, à la mise en place d’un programme d’aide destiné aux dirigeants et aux entrepreneurs qui ont besoin d’accompagnement pour adapter leur modèle d’affaires. Ce sont les entreprises résilientes et innovantes qui pourront les mieux traverser cette crise et rebondir. Malheureusement, de nombreuses entreprises ne pourront survivre si elles n’adaptent pas leur modèle d’affaires pour retrouver toute l’agilité requise.
2. Aides spécifiques par secteur et par région, et fiscalité incitative
Par ailleurs, il est désormais impératif, en contexte de relance, d’injecter des sommes là où la reprise est plus lente, soit pour des secteurs d’activité précis. Si la relance des activités s’annonce plus lente pour des industries comme le tourisme, la culture, l’hôtellerie, la restauration et le détail, ce n’est pas nécessairement le cas pour d’autres.
Le discours du Trône fait d’ailleurs état de mesures d’aide pour les industries les plus durement touchées, et cela se révèle essentiel. De telles mesures devront aussi tenir compte des régions et des collectivités canadiennes qui éprouvent davantage de difficulté. Pour y parvenir avec efficacité, le gouvernement fédéral doit injecter des sommes rapidement là où la reprise sera difficile, selon un programme établi qui tient compte des particularités sectorielles et régionales des entreprises pour favoriser une saine reprise de leurs activités.
C’est en créant de l’emploi, en exploitant de manière durable et dans le respect des collectivités les richesses du Canada, notamment ses ressources naturelles, et en ayant une fiscalité incitative et compétitive que le Canada pourra s’en sortir économiquement et financièrement.
À court terme, la solution ne passe pas par plus d’imposition, que ce soit auprès des entreprises et des particuliers, particulièrement ceux à hauts revenus qui sont déjà surtaxés, mais plutôt en permettant aux mêmes entreprises et entrepreneurs de créer davantage de richesse et en s’assurant que les Canadiens retournent au travail. Les entreprises canadiennes auraient intérêt à bénéficier d’un allègement de leur fardeau fiscal.
Nous invitons le gouvernement fédéral à abolir l’impôt des sociétés sur la première tranche de 500 000 $ de revenus imposables des PME, à condition qu’elles investissent les sommes épargnées dans la productivité, l’emploi et l’innovation, et ce, de manière à éviter tout abus possible. De telles dispositions viendraient encourager davantage nos PME et nos entrepreneurs à investir, là où se situent les besoins, contribuant ainsi à leur compétitivité et à leur croissance.
Nous recommandons également que le gouvernement fédéral réduise la taxe sur la masse salariale des entreprises canadiennes, de même que le taux d’imposition des sociétés de manière à maintenir un taux d’imposition plus attrayant que celui des États-Unis. De telles modifications fiscales apportées à brève échéance auraient le mérite d’agir comme catalyseur efficace de relance, et ce, pour de nombreuses sociétés.
Si les entreprises canadiennes ont la possibilité de compter sur des allègements fiscaux, l’innovation, la productivité et la création d’emplois seraient davantage stimulées, ce qui, en retour, générerait plus de revenus de la part du gouvernement.
3. Nouveau programme des immigrants investisseurs
Bien qu’un tel programme ne relève pas de votre ministère, les retombées financières des immigrants investisseurs sont importantes et contribueraient à réduire le déficit qui frappe de plein fouet, en générant des revenus qui ne proviendraient pas des poches des contribuables, déjà très fortement taxés et imposés.
En rouvrant le programme fédéral des immigrants investisseurs, dans une forme renouvelée, le Canada ne se priverait plus d’importants capitaux étrangers, comme c’est le cas depuis 2014. Dans le contexte où les dépenses gouvernementales excèdent largement les revenus et que la dette publique atteint des sommets, le programme des immigrants investisseurs retrouve toute sa raison d’être. Il peut être complémentaire de l’initiative Investir au Canada en attirant de nombreux investisseurs avec des investissements substantiels. Ces deux programmes pourraient réduire l’écart entre l’investissement étranger direct et l’investissement direct du Canada à l’étranger.
Notons qu’entre 2008 et 2018, nos voisins américains ont recruté, par l’intermédiaire de leur Programme d’immigrants investisseurs (EB-5), plus de 45 000 investisseurs, qui ont généré plus de 38 milliards de dollars dans l’économie américaine. À ce jour, il existe plus d’une cinquantaine de programmes d’immigration d’affaires dans le monde permettant d’attirer les millionnaires (high net worth individuals [HNWI]). Le Canada a été un pionnier en instaurant ce type de programmes en 1985 et nous devrions tirer profit de notre expérience passée tout en améliorant nos programmes. L’infrastructure est là, il ne s’agit que de réaligner le tir afin d’optimiser le profil recherché des investisseurs et de leur contribution. Ainsi, le gouvernement fédéral se doit de rouvrir, dans une forme nouvelle, le programme des immigrants investisseurs.
4. Plan de retour à l’équilibre budgétaire
Un dernier élément – et non le moindre – est la nécessité et l’urgence d’établir des cibles et un horizon pour le retour à l’équilibre budgétaire du gouvernement fédéral. Toute entreprise doit se fixer des objectifs en fonction de budgets établis pour exercer ses activités. Dans des situations plus difficiles, comme c’est le cas actuellement, les entreprises n’ont d’autres choix que de revoir régulièrement leurs budgets et d’ajuster leurs prévisions financières pour faire les choix qui s’imposent.
Tel qu’il a été soulevé dans le discours du Trône, la volonté du gouvernement fédéral de fournir des projections financières cet automne est un choix fort judicieux, pourvu que l’exercice soit accompagné d’un plan budgétaire, doté de cibles, pour un retour à l’équilibre dans un horizon donné. Même si un tel plan devait être ajusté en cours de route, il importe d’avoir un tableau de bord financier suivi de manière rigoureuse. Or, malgré la situation encore incertaine à plusieurs égards, le gouvernement fédéral a tout intérêt à se fixer des cibles à atteindre pour le retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme, tout en faisant preuve de rigueur et de détermination dans le processus.
Chez Raymond Chabot Grant Thornton, nous sommes optimistes qu’ensemble nous traverserons la crise et que l’économie canadienne a tout le potentiel de retrouver son erre d’aller. Les Canadiens et ses entrepreneurs sont ingénieux, audacieux, créatifs et innovants. Ce défi collectif nous interpelle tous. Nous devons permettre aux entrepreneurs, aux travailleurs et à tous les talents d’ici ou venus d’ailleurs qui façonnent, à leur manière, le Canada d’aujourd’hui et de demain de réussir. Nous y arriverons, ensemble!
En vous assurant de la collaboration de notre firme dans l’atteinte de vos objectifs et de continuer à inspirer les organisations privées et publiques d’ici à prendre les meilleures décisions pour assurer leur croissance et celle des collectivités vigoureuses partout au pays, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’assurance de ma haute considération.
Cet lettre a été rédigée par Emilio B. Imbriglio, président et chef de la direction de la firme de 2013 à 2021.