L’un des apprentissages de cette pandémie : la santé de l’entrepreneur est un élément à part entière de la santé de l’entreprise. Témoignage.
Il s’est écoulé plus d’un an maintenant depuis le début de la pandémie. Au gré de son évolution, de nouveaux enjeux sont apparus et la société a tenté de s’adapter en faisant preuve de résilience. Malheureusement, l’anxiété, la détresse psychologique ainsi que la fatigue ont pris de plus en plus de place dans nos vies.
Les entrepreneurs ont travaillé à tout mettre en place pour assurer le bien-être physique et psychologique de leurs employés, parfois au détriment de leurs propres besoins. Ils ont composé avec des réalités changeantes et avec de nouvelles priorités, tout en s’adaptant aux besoins évolutifs de la clientèle.
Des entrepreneurs affectés
Saviez-vous qu’un individu en position de leadership est moins enclin à demander de l’aide? Pourtant, les entrepreneurs ne sont pas à l’abri d’une certaine détresse psychologique, avouée et ressentie ou non.
Annik Lachance-Gravel, présidente-directrice générale de Lachance et Gravel, une entreprise de Chicoutimi spécialisée en solution d’hygiène pour les secteurs industriel et commercial, en est très consciente. Elle a eu envie de faire un pas pour changer les choses.
Annik Lachance-Gravel, une « Robin des bois »!
Comme beaucoup d’entrepreneurs, Annik a une histoire atypique. Déjà, adolescente, elle se prenait pour Robin des bois, non pas pour son côté brigand, mais bien pour son grand cœur.
C’est en 2014 que tout a changé et que la future entrepreneure a enfin trouvé sa place lorsqu’elle a décidé de reprendre l’entreprise de conciergerie de son père.
Lachance et Gravel avant la pandémie
Six ans plus tard, son père avait doublé son propre salaire et l’entreprise était passée de 0 à 70 employés. Pendant ces six années, Annik a assuré une gestion rigoureuse et elle a réussi à ne jamais terminer l’année avec une perte financière et à tout réinvestir pour faire croître l’entreprise.
Elle a travaillé fort pour redorer l’image de la conciergerie. Elle se dit fière d’y être parvenue et de faire vivre des familles tout en permettant à la sienne de se réaliser.
La pandémie et les impacts collatéraux qui en découlent
« Chute libre totale »… Ce sont les mots utilisés par Annik pour décrire l’impact des débuts de la pandémie sur son entreprise.
Quand la majorité des clients sont des entreprises condamnées à fermer leurs portes, les besoins en entretien sont moins présents. Liée à ses clients par contrat, l’entrepreneure a toutefois choisi de ne pas les facturer. Cette décision courageuse, basée sur ses valeurs et porteuse à long terme, aurait pu être critique à court terme.
Lorsqu’il y a une baisse de revenus, il devient nécessaire de couper dans les coûts. Elle a donc dû mettre à pied 60 de ses 70 employés. Après l’appel logé à chacun d’entre eux, chaque employé a reçu la visite d’un membre de l’entreprise et s’est vu offrir un cadeau par l’entrepreneure qui leur demandait de lui faire confiance. Elle n’a, à ce jour, perdu aucun employé malgré le contexte de crise.
D’un point de vue plus personnel, cette phase a été difficile pour Annik. Lors de la première vague, il n’y avait pratiquement pas de cas diagnostiqués dans la région. Ayant dû mettre à pied la grande majorité de ses employés pour éviter l’hémorragie financière (même son époux n’a pas été épargné!), elle a repris sous son aile pratiquement tous les postes administratifs de l’entreprise.
Et puis, la deuxième vague
Le virus est arrivé dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le téléphone a sonné. Le CIUSSS avait un urgent besoin de 22 ressources en entretien le lendemain matin. Annik a dit oui sur-le-champ. Une cellule de crise a été créée afin de répondre aux besoins criants des urgences des milieux dans lesquels on perdait le contrôle.
En deux semaines, tout le personnel mis à pied lors de la première vague avait été rappelé et 85 nouveaux employés avaient été embauchés et formés en accéléré. Son entreprise était maintenant l’entreprise de confiance en hygiène et salubrité dans la région.
L’entrepreneure gérait alors une très forte croissance et, par conséquent, devait composer avec de nombreuses sources de stress : le risque que ses ressources humaines ne soient pas suffisamment formées, que la réputation de l’entreprise soit affectée, que les liquidités ne soient pas suffisantes pour répondre aux obligations financières découlant de toutes ces embauches et des derniers mois difficiles, pour n’en citer que quelques-unes.
Quand Robin des bois s’épuise
Annik est prête à tout pour ne pas vivre d’échec au travail. Elle a donc fait de la pérennité de l’entreprise sa priorité. Même si les clients actuels et potentiels reconnaissent tout ce qui a été réalisé, les bureaux encore fermés et faiblement occupés n’encouragent pas l’investissement dans l’hygiène et la salubrité. De nouveaux joueurs sont également apparus sur l’échiquier.
Mais elle? S’est-elle remise de cette année où le stress provenant de l’entreprise l’a frappée de plein fouet? Des troubles de sommeil, des ruminations envahissantes, de ces heures innombrables où elle a travaillé pour sauver l’entreprise? La réponse : pas totalement. Le contrecoup frappe parfois plus fort qu’on ne le croit. Les ressources d’adaptation s’effritent, le corps ressent l’accumulation de stress et de fatigue et l’entourage commence aussi à s’essouffler.
De plus, il y a les impacts sur la famille. Le moment crève-cœur où tes enfants te disent qu’ils ne t’aiment plus parce que ta présence leur manque terriblement, celui où tu vois ton amoureux se sentir inutile dans toute cette gestion de crise. Toute la famille a perdu ses repères et a réagi aux changements. Et puis la culpabilité s’est installée peu à peu. Mère, entrepreneure et épouse se querellent et cherchent leur place. L’échec n’est pas une option et on arrive donc au bureau avec ce sourire un peu plaqué qui réussira jusqu’au soir venu à nous faire croire que « ça va bien aller ».
Et l’impact sur sa vie sociale… quelle vie sociale? Ce sera pour plus tard, car les loisirs, quand on est en mode survie, c’est le dernier des soucis.
Elle a traversé la zone des tabous et s’est mise à assumer que, pour l’instant, elle allait être entrepreneure et maman. Que c’était impossible d’être Superwoman pendant une si longue période. Que les courses, les repas et le ménage pouvaient être effectués pour elle par d’autres. Et que ses amis comprendraient et devraient attendre.
L’importance de bien s’entourer
Comme bien d’autres entrepreneurs, Annik s’est retrouvée en situation de survie dans toutes les sphères de sa vie. En prenant du recul, elle réalise qu’elle a vécu un fort sentiment de solitude et qu’elle n’a pas osé s’ouvrir sur sa vulnérabilité. Elle reconnaît la nécessité d’engager la discussion sur la prévention de la santé mentale des entrepreneurs et la nécessité d’être soutenue par une personne neutre quand la tension devient trop grande. Elle sait qu’elle a fait la sourde oreille à quelques signaux d’alarme qu’elle reconnaît aujourd’hui. Plus que jamais, elle est convaincue qu’un chef en santé a de meilleures chances d’avoir une entreprise en santé.
Au même titre que son entreprise s’est entourée d’un bon comptable, de bons conseillers en ressources humaines et de bons vendeurs, elle juge qu’un entrepreneur devrait s’octroyer le même privilège en ayant un psychologue comme allié. Baisser les barrières, ouvrir la porte et permettre à d’autres personnes qui l’entourent d’être pour elle des Robin des bois. Même si son entreprise s’en sort très bien dans le contexte, elle reconnaît la nécessité de prendre soin d’elle pour mieux prendre soin des autres, clients y compris.
Et la santé globale dans tout ça?
Une entreprise en mauvaise santé peut avoir des impacts sur la santé de son chef et inversement. C’est de cette réalité que nous avons envie de nous préoccuper au sein de notre firme : la santé globale entrepreneuriale. Comment? En travaillant sur :
- la santé globale de son entreprise (basée sur sept dimensions permettant d’identifier les défis de l’entreprise ainsi que les sources de stress potentielles pour l’entrepreneur);
- sa santé psychologique et son bien-être comme entrepreneur;
- les passerelles pour transformer les répercussions négatives de l’un sur l’autre en effets positifs;
- la mise en place d’un plan d’action où l’humain est au cœur des interventions.
Prenez soin de vous et communiquez avec nos experts. Notre objectif : vous aider à maintenir l’équilibre afin d’assurer la santé de votre entreprise, de vos employés, de vous et de toutes les facettes de votre entreprise.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Nancy Boisvert, psychologue.