Mis à jour le 15 mars 2023
La vérification diligente est une étape cruciale du processus d’achat d’entreprise. Certains éléments liés au contexte actuel doivent être considérés.
Jamais dans l’histoire récente n’a-t-on vu un événement mondial, tel que la pandémie, avoir un impact aussi significatif et aussi rapide sur l’univers des fusions et acquisitions.
Tous les paradigmes transactionnels bien ancrés, comme les multiples d’évaluation reconnus sur le marché, la rentabilité historique et toutes les autres mesures de performance, ont été revus depuis le début de la crise pandémique.
Pouvons-nous continuer à évaluer une entreprise sur la base de ses projections financières et de sa rentabilité passée alors qu’elle a été touchée de plein fouet par les bouleversements liés à la pandémie de COVID-19?
- Comment les prochaines transactions seront-elles structurées?
- Une portion plus importante du prix d’achat sera-t-elle payable à l’avenir selon l’atteinte de certains critères de rentabilité?
- L’utilisation d’instruments financiers convertibles en actions selon certains facteurs sera-t-elle plus fréquente?
Quoi qu’il en soit, le monde des fusions et acquisitions s’est ajusté à cette réalité et à un environnement rempli d’incertitudes.
Des occasions d’affaires pour certains acquéreurs
Par ailleurs, cette pandémie apportera son lot d’occasions qu’attendaient impatiemment des acquéreurs stratégiques et des fonds d’investissement.
Ces transactions devront s’appuyer sur une revue diligente rigoureuse et adaptée à la situation actuelle.
- En quoi la vérification diligente devra-t-elle être modifiée si l’on considère les enjeux liés à la capacité de rencontrer les dirigeants en personne, de visiter les lieux et de voir les activités de l’entreprise ciblée?
- Quel rôle la vérification diligente du vendeur ou de l’acheteur/investisseur doit-elle avoir dans l’établissement d’une rentabilité récurrente dans un contexte de pandémie mondiale?
Voici donc cinq éléments additionnels que l’acheteur/investisseur ou le vendeur devra considérer.
1. Détermination du BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements)
Il est essentiel de considérer des ajustements pro forma, en plus des ajustements de normalisation usuels, afin de faire ressortir la rentabilité récurrente de l’entreprise et d’exclure tout impact temporaire lié à la COVID-19. Pour certaines entreprises, la COVID-19 a été bénéfique et a entraîné une augmentation des ventes et du BAIIA. Le vendeur devra démontrer que cette augmentation est récurrente et l’acheteur devra s’en assurer.
Il n’existe donc pas de recette unique. Voici certaines méthodes pour quantifier les ajustements pro forma.
Comparer l’évolution du BAIIA
Il est important de comparer l’évolution du BAIIA (en considérant la saisonnalité) pour les périodes antérieures à la COVID-19 avec les mois influencés par celle-ci. Faire cette analyse par unité d’affaires, par produit et même par client apportera plus de confiance à l’acquéreur. Certaines unités d’affaires peuvent être plus touchées que d’autres par la COVID-19. Il serait donc avantageux d’isoler ces unités du reste des activités de l’entreprise.
Comparer avec les projections financières
Une comparaison avec les projections financières peut également permettre de quantifier l’ajustement pro forma. Évidemment, l’acheteur/investisseur devra s’assurer que les projections sont établies de façon rigoureuse et que, par le passé, les résultats de l’entreprise ont correspondu assez précisément aux projections établies.
Ajuster les subventions reçues
Il est également utile d’ajuster les diverses subventions versées par les différents paliers gouvernementaux afin de soutenir les entreprises durant cette période, dont notamment la subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC).
Ajuster la dépense de salaires
La dépense de salaires doit être ajustée et ramenée à un niveau standard récurrent. Plusieurs entreprises ont effectué des coupures dans les salaires ou ont mis à pied des employés (donc de façon temporaire). De plus, on a noté des hausses salariales importantes qui devraient être considérées.
Considérer les économies permanentes liées à une réorganisation
Les économies permanentes liées à une réorganisation effectuée durant la période de la pandémie doivent être prises en considération. Plusieurs entreprises ont réagi rapidement et ont mis en place un plan d’amélioration de la gestion des coûts afin d’affronter la situation. Dans certains cas, ces plans de restructuration ont permis de réaliser des économies permanentes. L’ajustement pro forma devra donc en tenir compte.
Évidemment, il sera plus difficile de justifier un tel ajustement si le plan de restructuration n’existe que sur papier et si aucune action n’a encore été effectuée (mises à pied, fermeture d’unités d’affaires historiquement à perte, revue du processus de fabrication, etc.).
Considérer la perte de marge brute
La perte de marge brute liée à la baisse des ventes doit par ailleurs retenir l’attention (voir le point suivant sur les ventes). Il est important de bien valider le pourcentage de marge utilisé. Plus ce dernier est précis, c’est-à-dire déterminé par unité d’affaires ou par produit, plus il sera difficile de remettre en question l’ajustement effectué.
Évaluer les coûts d’approvisionnement futurs
Les coûts d’approvisionnement futurs et leur effet sur le BAIIA doivent être évalués (voir le point ci-dessous sur les fournisseurs et l’approvisionnement).
2. Ventes
Comme pour le BAIIA, il est important de comprendre l’impact de la COVID-19 sur les ventes et son effet dans le temps.
Analyser l’évolution des ventes mensuelles
Il importe d’analyser l’évolution des ventes mensuelles avant la COVID-19 par secteurs géographiques, par unités d’affaires et même par clients et d’effectuer une comparaison avec les ventes durant la période de COVID-19. Dans certaines industries, un rattrapage a été observé dans les mois qui ont suivi.
Déterminer la position de l’entreprise dans la chaîne d’approvisionnement
Avec les arrêts de production, les interruptions des chaînes d’approvisionnement et les hausses subites de la demande, il est important de déterminer si l’entreprise s’est retrouvée ou se retrouvera avec des problèmes d’approvisionnement et d’en évaluer l’impact.
Analyser les clients les plus importants
Il convient d’analyser les clients les plus importants et d’évaluer l’effet de la COVID-19 sur ces derniers.
Analyser les projections financières
Les projections financières doivent être analysées en mettant l’accent sur le carnet de commandes (backlog) et les ventes potentielles (pipeline) ainsi que leur probabilité de réalisation en considérant les résultats historiques comparativement aux projections.
Évaluer les enjeux de recouvrement
Tout enjeu de recouvrement doit être évalué, de même que l’impact futur sur les ventes aux clients en question. De plus, les provisions pour créances douteuses en fin de période et celles prévues à la date de clôture doivent être revues à la lumière des informations obtenues.
3. Fournisseurs et approvisionnement
Il est crucial de déterminer s’il existe une dépendance à l’égard de certains fournisseurs ou si certains fournisseurs importants sont situés dans une même région et sont donc susceptibles d’être touchés par des restrictions ou des confinements comme nous en avons vécu en 2020 et 2021.
Enquêter sur les risques liés à la continuité des activités
Les risques liés à la continuité des activités de certains fournisseurs doivent faire l’objet d’une enquête afin d’évaluer les diverses options de contingence.
Évaluer les coûts
Les effets sur les prix coûtants doivent être évalués.
4. Fonds de roulement
Un des éléments complexes dans le cadre d’une transaction est la détermination d’un fonds de roulement cible.
- Quelle est la période à utiliser?
- Doit-on considérer les projections (les besoins de fonds de roulement futurs pouvant différer)?
- Est-ce qu’il y a des éléments à exclure du calcul du fonds de roulement cible et à inclure plutôt dans le calcul de la dette nette, comme les impôts et les dépôts de clients?
Ces éléments sont souvent abordés durant la négociation entre les parties.
La pandémie est venue assurément complexifier les choses. Les points additionnels suivants doivent être considérés dans la détermination du fonds de roulement cible et de clôture.
Ajuster les différents postes
Les différents postes touchés par la COVID-19, comme les comptes clients, les stocks et les comptes fournisseurs et charges à payer, doivent faire l’objet d’un ajustement. L’objectif est de recalculer le « normal » de ces postes durant les mois touchés par la COVID-19.
Par exemple, on pourrait considérer un taux historique de délai de recouvrement pour les comptes clients ou un délai de rotation standard pour les stocks. Le but est d’éviter de pénaliser le vendeur en utilisant aux fins du calcul des postes de fonds de roulement temporairement élevés.
Porter attention à certains éléments à la date de clôture
Voici d’ailleurs les éléments auxquels l’acheteur/investisseur devra porter particulièrement attention à la date de clôture :
- Recouvrabilité des comptes clients non provisionnés;
- Présence d’une provision pour désuétude des stocks suffisante;
- Réalité des frais payés d’avance;
- Degré d’avancement et évaluation pertinente des travaux en cours.
Si un doute persiste sur ces éléments, il serait approprié de prévoir des clauses spécifiques dans le contrat d’achat, par exemple :
- Clause d’ajustement après une certaine période (normalement 120 jours) pour les comptes clients non provisionnés à la date de clôture qui ne sont toujours pas encaissés après la période prévue;
- Clause indiquant que si les stocks susceptibles d’être vendus à perte après la date de clôture le sont effectivement, un ajustement à la baisse du prix d’achat sera effectué.
Il est toujours conseillé d’avoir un solde de prix de vente qui protège l’acheteur spécifiquement contre les ajustements de prix potentiels.
Il est essentiel de déterminer un fonds de roulement cible adéquat qui favorise la réalisation du BAIIA déterminé aux fins du prix d’achat. Tout impact temporaire de la COVID-19 doit être exclu de ce calcul. Cette méthode permet de ne pas pénaliser le vendeur avec un fonds de roulement cible qui serait autrement surévalué.
Il est aussi crucial que l’acheteur/investisseur, en plus de valider les ajustements au fonds de roulement cible, s’assure que les différents postes du fonds de roulement sont correctement évalués à la date de clôture. Si des doutes persistent, des clauses au contrat d’achat doivent être envisagées.
5. Autres considérations
Se prémunir contre un manque d’investissements en immobilisations
Dans un environnement incertain, une entreprise peut être portée à réduire ses dépenses en immobilisations ou être contrainte de les suspendre.
Qu’il s’agisse de dépenses de maintenance ou d’investissement, l’acheteur/investisseur doit s’assurer de bien en évaluer les conséquences sur la détermination du BAIIA ou sur les besoins de trésorerie futurs afin de rattraper ce retard d’investissement.
Une façon de se prémunir contre le manque d’investissements en immobilisations est d’inclure les immobilisations dans le calcul du fonds de roulement (cible et à la clôture) ou de prévoir un ajustement de prix en fonction de l’actif net corporel à la clôture.
Analyser la réaction de l’équipe de direction face à la pandémie
Il est très intéressant pour un acheteur/investisseur d’analyser la réaction de l’équipe de direction face à la COVID-19.
- Quel plan a été mis en place?
- Quel a été le soutien apporté au personnel et quelle a été la mobilisation de ce dernier?
- Est-ce que des décisions courageuses ont été prises et à quelle vitesse?
- Quels ont été les impacts sur le BAIIA durant cette période?
Envisager les options de mission d’examen ou d’audit
Il n’est pas toujours possible, et ce, pour différentes raisons, d’exiger des états financiers audités à la date de clôture. Étant donné l’importance des soldes de bilan à la date de clôture, d’autres options devraient être considérées afin de protéger l’acheteur/investisseur :
- Mission d’examen;
- Application de procédés spécifiques d’audit par un auditeur indépendant. Ces procédés seraient concentrés sur les postes à risque, par exemple :
- Confirmation des comptes clients;
- Tests de décompte physique;
- Tests de prix des stocks;
- Tests de démarcation des ventes et des achats.
Considérer l’ajout de clauses
L’acheteur/investisseur doit prévoir plusieurs éléments dans le contrat d’achat afin de se protéger, surtout en période d’incertitude. Voici une liste non exhaustive des éléments à considérer en plus des clauses usuelles :
- Attention à la clause usuelle qui mentionne que les états financiers de clôture doivent être préparés sur la même base que celle utilisée pour les états financiers historiques. Avec la COVID-19, cela n’est peut-être plus possible;
- Clauses d’ajustement pour la recouvrabilité de certains éléments d’actif inclus dans le fonds de roulement;
- Solde de prix de vente suffisant afin de couvrir les ajustements potentiels au prix d’achat;
- Représentation spécifique sur le risque de devoir rembourser la SSUC à la suite d’un audit du gouvernement;
- Changement important et cas de force majeure. La clause standard doit inclure des éléments spécifiques relativement à la COVID-19.
Notre équipe de professionnels en conseils financiers possède une vaste expérience en matière d’accompagnement dans des périodes d’incertitude. Elle a également une expertise pointue dans le domaine du financement d’entreprises et bénéficie d’un accès privilégié aux intervenants des marchés des capitaux.
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