Le développement durable n’est plus facultatif. Votre entreprise est-elle prête à intégrer les facteurs ESG et les risques climatiques dans sa gestion?
Le 7 avril dernier, le gouvernement fédéral a publié son budget 2022, incluant des mesures significatives pour construire une économie sobre en carbone et pour atteindre la carboneutralité nationale d’ici 2050.
Obligation de divulgation d’ici 2024
Parmi les nouvelles mesures, le gouvernement s’est engagé à se diriger vers la divulgation obligatoire des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et des risques climatiques pour les différents acteurs de l’économie, selon le cadre international du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC ou TCFD).
En effet, les institutions sous réglementation fédérale (institutions financières et sociétés d’assurances) auront l’obligation de publier les divulgations sur le climat sur la base du cadre du GIFCC d’ici 2024 sous la supervision du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).
Cet engagement survient quelques mois après l’approbation du G7 d’une éventuelle divulgation obligatoire d’informations relatives aux changements climatiques. Le groupe avait déclaré son soutien « à l’adoption obligatoire de la divulgation financière liée au climat qui fournit aux participants du marché des renseignements cohérents et utiles à la prise de décisions » fondée sur les recommandations du GIFCC.
Le cadre recommandé par le GIFCC, publié pour la première fois par le Conseil de stabilité financière en 2017, touche quatre domaines clés visant à intégrer le risque lié au climat dans le système financier et dans toutes les sphères de la gestion d’une organisation. Il encourage les entreprises et les institutions à adopter une approche globale des défis climatiques en les intégrant dans les structures de gouvernance existantes, ainsi que dans leur gestion stratégique et dans leur gestion des risques et de la performance. Il les incite également à divulguer les informations sur les mesures prises.
Une mesure attendue par les investisseurs
De nombreux pays ont déjà mis en place ce type de mesure, comme la France, le Royaume-Uni, et, récemment, les États-Unis, en élargissant l’obligation de divulgations du GIFCC aux entreprises publiques enregistrées.
Cette mesure est très attendue par les investisseurs. Le gouvernement fédéral canadien pose ainsi les premiers jalons de l’obligation de divulgation à laquelle chaque acteur de l’économie sera confronté au cours des prochaines années.
En effet, le BSIF s’attend également « à ce que les institutions financières recueillent et évaluent les renseignements sur les risques relatifs aux changements climatiques et les émissions auprès de leurs clients ». La pression devrait donc s’accentuer sur les entreprises canadiennes et sur leur manière de gérer les risques et les expositions aux changements climatiques.
Le gouvernement fédéral a également accueilli favorablement le choix de la International Financial Reporting Standards (IFRS), qui a sélectionné Montréal pour héberger l’un des deux bureaux centraux du nouveau Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB). Ce conseil aura pour but de travailler à l’uniformisation, à la comparabilité et au développement des normes de divulgations ESG.
Au-delà de la simple communication de données sur la durabilité, les recommandations du GIFCC obligent les entreprises à prendre en compte les impacts plus larges des changements climatiques, à comprendre l’impact des risques physiques et de transitions sur leur modèle opérationnel afin de les atténuer et à saisir de nouvelles occasions d’affaires.
Cela nécessite une contribution de tous les services, la création de scénarios appropriés et l’adhésion de la direction. Les différents acteurs des organisations ont un rôle à jouer, tant le conseil d’administration que la haute direction.
Le rôle du conseil d’administration
La gestion des risques est devenue de plus en plus complexe au cours des dernières années, et les entreprises ont vu émerger de nouveaux types de risques associés aux changements climatiques. Les conseils d’administration doivent comprendre et assumer leurs responsabilités fiduciaires en surveillant ces risques et en mettant en place une saine gouvernance.
Cela peut passer par la formation de ses membres, ou le recrutement de membres possédant les compétences adéquates pour assurer la supervision des mesures mises en place pour la direction de l’entreprise afin de répondre aux risques et occasions liés au climat.
Le conseil d’administration peut considérer les questions suivantes :
- Comment le conseil d’administration supervise-t-il la gestion globale des risques de l’entreprise?
- Comment le conseil surveille-t-il les risques et les occasions liés aux changements climatiques?
- Comment le conseil s’assure-t-il que tous les membres sont sensibilisés et comprennent le risque climatique?
- Comment le conseil intègre-t-il les risques et occasions liés aux changements climatiques dans la gestion globale des risques de l’entreprise?
- Existe-t-il des risques ou occasions particuliers liés aux changements climatiques qui nécessitent une attention particulière de la part du conseil?
- Les attentes des parties prenantes externes, telles que les mandats des investisseurs ou l’évolution des préférences des clients, justifient-elles une attention particulière de la part du conseil d’administration?
Haute direction et gestionnaires : garants de l’exécution de mesures concrètes
Alors que le conseil d’administration est responsable de la gouvernance des risques et occasions liés au climat, la direction est chargée de la conception, de la mise en œuvre et de l’exécution de la réponse de l’organisation face à ces risques. L’enjeu est double.
Du point de vue du dirigeant, l’enjeu est de comprendre l’impact des changements climatiques sur l’entreprise, sa pérennité à long terme et la manière de communiquer les efforts mis en place pour les atténuer. En se posant les bonnes questions, la direction pourra repérer et prioriser les risques et mettre en place les bonnes mesures :
- Quel est l’impact des changements climatiques sur la chaîne de valeur?
- Quel est le niveau de dépendance de l’entreprise à ces fournisseurs?
- Où ces fournisseurs sont-ils situés?
- Quelles sont les ressources naturelles à risque dans la chaîne de production?
- De quelle manière les produits sont-ils acheminés tout au long de la chaîne de valeur et quel est l’impact des changements climatiques à chaque étape?
- Quel est l’impact des changements climatiques sur les infrastructures de l’entreprise?
Du point de vue du conseil, celui-ci doit pouvoir évaluer la pertinence de l’approche de la direction, en se posant les bonnes questions :
- Comment le risque climatique est-il intégré au programme de gestion des risques d’entreprise de l’organisation?
- Quelles demandes liées au climat proviennent des investisseurs et autres parties prenantes?
- Quels sont les risques et les occasions tout au long de la chaîne de valeur de l’organisation? Par exemple, les principaux fournisseurs sont-ils à risque? Existe-t-il des occasions d’augmenter la part de marché liée à l’investissement dans les technologies renouvelables? Les principaux clients recherchent-ils des options plus durables?
- Comment le personnel perçoit-il l’engagement de l’entreprise en faveur de la durabilité environnementale?
Orienter les divulgations externes
Les entreprises sont devenues plus conscientes de l’importance du changement climatique, comme en témoignent les divulgations volontaires accrues sur les risques climatiques et les occasions qui y sont liées.
La divulgation des risques liés aux changements climatiques s’est rapidement développée ces dernières années; dans leurs déclarations de développement durable de 2020, 397 entreprises de l’indice Russell 1000 ont affirmé avoir répondu au CDP (anciennement Carbon Disclosure Project) et, sur les 92 % des entreprises de l’indice Russell 1000 qui produisent un rapport de développement durable, 38 % ont fait référence au GIFCC pour la divulgation financière liée au climat.
Les administrateurs et la direction des entreprises privées sont confrontés à une attention accrue sur la durabilité et le risque climatique de la part des sociétés de capital-investissement, des prêteurs et des clients, ce qui devrait s’accentuer avec la nouvelle obligation de divulgation du gouvernement fédéral. Bien que les règles de divulgation ne s’appliquent pas directement aux entreprises privées, et que le manque d’uniformité des divulgations entraîne encore des problèmes de comparabilité, de nombreuses attentes pèsent sur ces entreprises pour rendre compte de leurs stratégies ESG et climatique.
Les autres risques à suivre de près en 2022
Risques liés à la biodiversité
Cette approche intégrée est la clé pour assurer un avenir durable aux entreprises et, avec le lancement de la Taskforce for Nature Related Financial Disclosures (TCND) le 10 juin 2021, également soutenue par le G7, ce modèle tendra à devenir la norme.
Les entreprises prennent conscience de leur impact sur la biodiversité et de l’impact financier qu’entraînent les pertes naturelles.
Risques de la chaîne d’approvisionnement
Il s’agit de l’impact financier lorsque la chaîne d’approvisionnement est interrompue ou ralentie à la suite des catastrophes climatiques. L’entreprise doit donc se poser les bonnes questions pour soutenir une production à long terme.
Risques de capital humain
Considérer ce risque tout au long de la chaîne de valeur et les pressions qu’elles peuvent exercer.
À la lumière des récentes évolutions des réglementations fédérales et étrangères, ainsi que des risques et des occasions liés aux changements climatiques déjà présents, le meilleur moment pour commencer votre démarche pour répondre aux recommandations du GIFCC, c’est maintenant.
Notre équipe de conseil en management combine l’expertise et l’expérience nécessaires pour vous aider à relever ces nouveaux défis liés à la gestion des risques, au développement durable et aux enjeux ESG.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alicéa Reck, conseillère principale en transformation de processus d’affaires.