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Avis d'experts

Crédit d’impôt en affaires électroniques: pourquoi instaurer des contraintes à l’innovation?

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En 2008, le ministère des Finances du Québec (MFQ) a créé le programme de crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques (CDAE).

Son objectif est de soutenir les fournisseurs qui proposent des services en technologies de l’information (TI) en améliorant la productivité dans les opérations de gestion et de fabrication (selon l’extrait du bulletin 2008-4 *Page 2, 5e paragraphe).

Une définition toujours imprécise et contraignante

Depuis l’introduction du programme, plusieurs modifications ont eu lieu pour mieux s’adapter à la réalité des entreprises en TI qui, aux yeux du MFQ, atteignaient cet objectif. En 2015, le MFQ a rajouté de nouvelles règles plus contraignantes pour les entreprises en TI qui développent des logiciels intégrés dans des équipements pour compléter leur solution livrée aux clients. Ces nouvelles règles suscitent des interrogations dans le milieu et plusieurs cas font l’objet de discussions très actives avec divers représentants d’Investissement Québec (IQ) relativement à l’interprétation des notions de logiciel dont les « résultats des activités sont intégrés à un bien destiné à la vente » (selon le document budgétaire de 2015).

La définition tend à se préciser et la tendance nous laisse croire que ces modifications risquent fort probablement d’évincer du programme les entreprises de TI qui visent spécifiquement le marché de la fabrication – un secteur qui requiert d’ailleurs abondamment de solutions en TI pour l’informatisation des procédés.

Deux marchés, deux réalités

Les règles du programme de CDAE sont fondées, notamment, sur l’analyse détaillée des revenus de l’entreprise. En clair, les entreprises doivent démontrer que les différentes activités constituant le revenu reposent, dans une grande proportion, sur des services liés aux TI (conception de systèmes, édition de logiciel, etc.). Le MFQ a, par ailleurs, assoupli les règles à quelques reprises, au début du programme, pour prendre en considération la réalité des entreprises dans leur prestation de services à l’égard de leur client.

En effet, l’entreprise qui propose une application informatique pour améliorer la gestion des opérations est souvent accompagnée de différents équipements informatiques et de services connexes, dont a tenu compte le MFQ dans la réforme du programme. Actuellement, pour une entreprise qui vise un secteur de marché de services (assurances, institutions financières et autres), les règles sont tout à fait appropriées. Mais qu’en est-il de celles qui visent les entreprises de fabrication dont ce sont les procédés qui doivent être informatisés? C’est là que se situe l’enjeu. Examinons cela de plus près.

Il va sans dire que la prestation de services en TI livrée à une entreprise de fabrication qui veut améliorer sa productivité ne requiert pas que des équipements informatiques. L’implantation d’une solution TI est effectuée dans un milieu hostile qui nécessite des installations industrielles, des systèmes électriques mieux adaptés pour une meilleure isolation, etc.

De plus, des accessoires spéciaux sont aussi requis pour lire des données dans le procédé, ce qui n’est pas nécessaire pour une implantation TI dans une organisation de services, puisque l’ajout de données pour alimenter un système d’information est fait par des utilisateurs (via un clavier) et non pas par un procédé! Déjà, avant l’introduction des nouvelles règles liées aux logiciels intégrés aux équipements, ce type d’informatisation était pénalisé. Cette diversification des produits et services pour arriver à fournir la solution n’est souvent plus considérée dans le programme comme une activité de TI et écarte ainsi le fournisseur de service du programme.

Désormais, avec la mise en place des nouvelles règles de 2015, une restriction s’applique sur les logiciels embarqués, ce qui vient miner l’expansion de certaines entreprises. Il faut rappeler que les logiciels incorporés dans les équipements sont de plus en plus nécessaires dans l’informatisation des procédés et sont maintenant spécifiquement exclus des revenus utilisés pour déterminer si une entreprise est admissible au programme. Donc, si le MFQ souhaitait améliorer la productivité dans les opérations de gestion et de fabrication, tel qu’il est stipulé dans le bulletin de 2008 lié à la création du CDAE, il vient plutôt évincer le volet fabrication propre à l’objectif initial du programme.

La solution

Dans l’optique où le gouvernement du Québec met actuellement l’accent sur le manufacturier innovant, il serait tout à fait judicieux, à notre avis, de rendre le programme de CDAE accessible aux fournisseurs de TI, lequel vise précisément les fabricants, de sorte que les entreprises québécoises puissent bénéficier davantage de produits innovants et performants, à la hauteur de leurs ambitions.

Pour y arriver, nous sommes d’avis qu’il faut revoir l’approche afin de la rendre globale et qu’elle soit fondée sur l’objectif fondamental visé par le CDAE, plutôt que de simplement retirer la règle des logiciels intégrés, ce qui nuit à l’innovation. Est-ce que la solution TI contribue à améliorer la productivité de l’entreprise de fabrication? Oui, elle y contribue pleinement et c’est ce qui, selon nous, devrait guider l’analyse de l’admissibilité des fournisseurs de TI québécois.

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