L’avenir de l’industrie de la construction repose essentiellement sur l’innovation et la collaboration entre tous les participants du secteur.
C’est ce qu’a expliqué Pierre Pomerleau, président-directeur général de Pomerleau inc., lors d’un rendez-vous tête-à-tête avec Emilio B. Imbriglio, président et chef de la direction de Raymond Chabot Grant Thornton, présenté cette fois par l’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure (AQEI).
Pierre Pomerleau a indiqué que son industrie « progresse à vitesse grand V ». Elle utilise de plus en plus d’outils technologiques, elle cherche continuellement à améliorer ses façons de faire et se tourne vers des modes de collaboration innovants.
« L’innovation fait partie de l’ADN de Pomerleau depuis longtemps et est la clé de voûte pour relever l’ensemble des défis en construction », a-t-il dit. C’est la clé pour travailler plus efficacement et rapidement, de façon plus durable, mais aussi pour tirer profit de chaque dollar investi dans les projets.
« L’innovation, c’est tellement important. Si l’industrie pouvait améliorer l’ordonnancement des projets de seulement 10 %, on épargnerait des centaines de milliards de dollars à l’échelle mondiale », a dit Pierre Pomerleau.
« Le secret le mieux gardé en matière d’innovation, on le trouve dans l’industrie de la construction », a d’ailleurs souligné Emilio B. Imbriglio.
Cultiver l’innovation
Pierre Pomerleau a rappelé qu’il est important que tous les acteurs de l’industrie, petits et grands, montent dans le train de l’innovation. Nul besoin d’avoir un projet d’innovation d’envergure : il suffit de cibler les processus clés pour son entreprise.
Pour cultiver l’innovation, il faut en parler et la favoriser au sein de son organisation. « Il faut d’abord avoir une infrastructure d’innovation. L’innovation doit venir de partout dans l’entreprise. Les gens sur les chantiers doivent sentir qu’ils ne sont pas prisonniers de procédures et qu’ils ont le droit d’avoir de nouvelles idées. Et l’organisation doit avoir la capacité de reprendre ces innovations et de les diffuser dans l’ensemble de ses chantiers. »
Pomerleau s’est ainsi dotée en 2018 d’une fondation pour l’excellence opérationnelle FOX, qui a pour but d’optimiser la performance organisationnelle au sein de l’entreprise en diffusant les innovations à valeur ajoutée sur tous les chantiers Pomerleau.
L’entreprise a aussi récemment lancé le aXLab Pomerleau, en partenariat avec la Factry, sur leur campus à Montréal. Ce laboratoire permettra de tester une multitude d’innovations et effectuera une veille technologique mondiale, a expliqué Carolyne Filion, gérante – Innovations, R&D et projets spéciaux, de Pomerleau.
Autre innovation : au début de l’année 2020, Pomerleau a été la première entreprise de construction au monde à utiliser le robot à quatre pattes, Spot, qui navigue de manière autonome sur un chantier. Il peut ainsi atteindre des zones dangereuses et effectuer des tâches sans valeur ajoutée pour le personnel.
Par ailleurs, Carolyne Filion a rappelé qu’au cours des 10 dernières années, le processus BIM (Building Information Modeling) a été la clé de voûte de l’innovation dans le domaine des bâtiments. Il a permis de standardiser les données dans toutes les étapes d’un projet et d’avoir une meilleure collaboration entre les parties prenantes. C’est maintenant au tour du secteur des infrastructures civiles d’entrer dans un processus semblable de standardisation des données, avec le Civil Information Modeling (CIM).
Collaborer pour progresser
La pandémie a servi d’accélérateur, selon Pierre Pomerleau. Elle a montré à quel point l’industrie peut s’adapter à l’évolution rapide des besoins grâce à l’innovation et à la collaboration.
« On s’est rendu compte, pendant la pandémie, que si les donneurs d’ouvrage publics et les entrepreneurs travaillaient plus en collaboration, on pouvait faire des miracles », a-t-il affirmé. Il a donné l’exemple des cinq cliniques pour la COVID-19 construites en seulement neuf mois par son entreprise en 2020.
Il est convaincu que toute l’industrie gagne à travailler en partenariat, comme le montre le mouvement « Entrepreneurs engagés », regroupant de nombreux acteurs de l’industrie. Ceux-ci ont rapidement mis en place des mesures sanitaires strictes et uniformes sur les chantiers afin que le coronavirus ne se propage pas parmi les travailleurs, de façon à assurer la poursuite des activités.
Pierre Pomerleau croit qu’on verra de plus en plus de projets de réalisation collaboratifs, comme les modes construction-financement et les partenariats public-privé, « parce que ça amène une tension créative » au bénéfice des projets et des communautés desservies. Cela porte ses fruits, comme l’a montré l’exemple de la dernière phase de construction du nouveau CHUM.
« Tous les gouvernements cherchent maintenant comment favoriser les modes de réalisation collaboratifs. On ne reviendra jamais aux modes de construction en silo, c’est une évidence. Chaque projet a son mode de réalisation. Il faut considérer chaque projet en fonction de sa spécificité. Déterminer le mode de réalisation est la décision la plus importante dans un projet », a-t-il ajouté.
L’entrepreneur souhaite que les administrations publiques réalisent des projets en mode alternatif plus petits, afin que les acteurs plus petits puissent y participer et « se faire la main » sur les nouveaux modes de construction. Il a également souligné l’importance d’appuyer les entrepreneurs de plus petite taille, afin de « s’assurer que toute la chaîne d’approvisionnement soit vivante », comme les gouvernements l’ont fait pendant la pandémie.
Par ailleurs, Pierre Pomerleau juge que les donneurs d’ouvrage publics doivent trouver des moyens d’encadrer les projets sans nuire à l’agilité et à l’innovation. Ils doivent être plus souples dans leurs processus d’appels d’offres et à l’égard des innovations proposées par les entrepreneurs. Ils doivent ainsi permettre aux modes de réalisation alternatifs d’évoluer.
Dans le mot de clôture, pour sa part, Caroline Amireault, avocate et directrice générale de l’AQEI, a souligné que, depuis quelques années, les entrepreneurs d’ici se désintéressent des projets du secteur public. Une récente consultation menée par Raymond Chabot Grant Thornton pour l’industrie de la construction démontre que 72 % des entrepreneurs se permettent d’écarter les donneurs d’ouvrage publics en fonction des conditions qu’ils offrent. Les raisons de cette perte d’intérêt sont des contraintes majeures et un partage des risques déséquilibré, mais heureusement, « on sent un vent de changement », expliquait Caroline Amireault.
« Notre époque va être marquée par des changements réglementaires, et je trouve cela extrêmement positif », a dit Pierre Pomerleau.
Répondre aux grands défis de l’heure
C’est aussi en innovant qu’on peut être plus efficace et relever le défi du manque de main-d’œuvre. Pomerleau, qui a recruté 350 personnes depuis un an, s’efforce de bien former, d’intégrer et d’outiller ses employés, tout en misant sur la diversité et l’inclusion.
« Il faut aller chercher les talents où ils sont et les stimuler en leur donnant des tâches à valeur ajoutée. » Les nouveaux outils technologiques permettent justement de les soustraire des tâches répétitives et sans valeur ajoutée.
L’innovation permet également de s’attaquer aux défis environnementaux, avec la mise au point de nouvelles façons de construire, l’utilisation plus efficace des matériaux et leur recyclage. « En trouvant des façons innovantes de sauver la planète, on fait aussi des économies; c’est rentable », a soutenu Pierre Pomerleau.
Il a donné l’exemple du projet de déconstruction du pont Champlain, sur lequel son entreprise travaille en priorisant la préservation de l’environnement, ainsi que la valorisation des matériaux.
Enfin, l’innovation est un élément essentiel de la conception de villes intelligentes, qui commence par des constructions intelligentes. Pomerleau mise notamment sur le concept d’infrastructures et de bâtiments empathiques, c’est-à-dire conçus pour être parfaitement adaptés aux besoins des utilisateurs.
En forte croissance
Pomerleau est la plus importante entreprise de construction au Québec et un chef de file de l’industrie au pays. Comme l’industrie en général, elle est en forte croissance. Elle pilote actuellement près de 300 chantiers partout au Canada.
Pomerleau est une entreprise familiale fondée il y a 57 ans par Hervé Pomerleau, père de l’actuel PDG. Dans l’immédiat, l’entreprise se concentre sur le Canada et mise sur une croissance organique, mais Pierre Pomerleau se dit ouvert à des acquisitions au cours des prochaines années. Sa filiale Borea Construction est le leader canadien en énergie renouvelable et s’intéresse aux projets éoliens en Nouvelle-Angleterre.