Travailler en fiscalité de l’innovation, ce n’est pas que manier des chiffres. C’est un travail qui demande aussi des connaissances scientifiques et techniques. On en parle avec Pascal Grob, spécialiste en projets de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE).
Comment peut-on résumer votre spécialisation?
J’aide mes clients à financer certains de leurs projets, risqués et audacieux sur le plan technologique, afin que ces projets remplissent les conditions pour l’obtention de différents crédits d’impôt et de subventions au niveau fédéral ou provincial (RS&DE, CDAE, PARI…).
Avec mon équipe, je les accompagne dans la présentation scientifique de leurs projets, et l’optimisation fiscale associée, devant les instances gouvernementales ou certains organismes.
Quels genres d’entreprises font appel à vos services?
En général, ce sont des PME en croissance liées aux technologies de l’information ou au domaine manufacturier : la vision, la bio-informatique, le génie biomédical, la robotique, les procédés industriels (chimiques), etc.
Pour rester compétitives, ces entreprises doivent être à l’affût des avancées technologiques et scientifiques dans leur domaine, et parfois même réinventer technologiquement des domaines d’affaires très conservateurs.
Pour mettre en place ces projets d’innovation, elles ont besoin de maximiser le soutien financier auquel elles ont droit grâce, entre autres, aux crédits d’impôt en recherche scientifique et développement expérimental. C’est là qu’elles ont besoin d’une équipe d’experts spécialisés en financement de l’innovation. La présentation des faits exige un lexique précis et repose sur des critères juridiques dont la maîtrise est un métier en soi.
Est-ce que la demande pour cette spécialité est à la hausse, étant donné le contexte urgent de transformation numérique et d’innovation des organisations?
Oui, absolument! À peu près toutes les industries sont concernées par l’innovation pour croître et pour survivre. L’exonération fiscale des dépenses salariales concernées peut aller jusqu’à près de 75 % des dépenses encourues. Les programmes sont donc très attractifs et on a énormément de demandes d’accompagnement.
Qu’est-ce qui mène vers ce travail?
Dans nos équipes de financement d’innovation, on a deux types d’experts: les directeurs scientifiques et les fiscalistes. La fiscalité liée à l’innovation ne fait pas l’objet d’une spécialisation universitaire en tant que telle. Ceux qui travaillent en R&D y sont par intérêt, parce qu’ils sont passionnés d’innovation.
Pour les directeurs scientifiques, on cherche des gens qui ont de bons antécédents techniques, comme un baccalauréat en technologies de l’information ou en ingénierie. Idéalement, il faut aussi avoir une bonne expérience du travail en entreprise et comprendre le côté business. La recherche en entreprise est bien différente de celle effectuée dans un laboratoire universitaire.
Quelles sont les autres compétences à acquérir pour devenir expert en fiscalité d’innovation?
Une grande partie du travail consiste à réaliser des entrevues techniques avec les décideurs des entreprises et à documenter les projets, en tenant compte, bien sûr, de la loi fiscale. Ça prend donc une grande curiosité, de solides habiletés en communication et une belle plume. Il faut aussi avoir un esprit de synthèse et être un fin pédagogue. Ça, c’est hyper important.
Enfin, pour faire partie d’une équipe en financement de l’innovation, ça prend évidemment des gens créatifs, qui aiment travailler en équipe et font preuve d’ouverture d’esprit. On travaille sur de gros projets, aux enjeux financiers importants pour nos clients. Les critères définis par les lois avec lesquels on compose sont complexes. Il faut donc continuellement se relancer les uns les autres pour couvrir tous les angles possibles et en tirer la meilleure analyse pour chaque dossier présenté.
Pouvez-vous nous parler d’une journée type?
Ce que j’aime de mon travail, c’est qu’il n’y a justement pas de journée type! Il n’y a rien de routinier dans ce job. Quand on commence un mandat avec une entreprise, on va avoir des rencontres et des entrevues sur place pour discuter du projet, parler aux équipes scientifiques, voir les installations et les usines, les laboratoires, etc.
Ensuite, on va brainstormer en équipe pour savoir comment on peut faire en sorte que le projet ou certaines dépenses de l’entreprise se qualifient aux différents programmes. Quelle stratégie de positionnement va-t-on utiliser? Cette phase est la plus importante et la plus motivante. On entre vraiment dans la peau d’un « avocat scientifique ».
Les fiscalistes, eux, s’occupent de l’optimisation de tous les crédits et subventions potentiels sur la base de la stratégie qui aura été élaborée, mais ils font aussi souvent partie de la stratégie initiale.
Puis, il y a la rédaction des demandes et leur présentation devant les instances concernées.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre travail?
On fait affaire avec les entreprises qui conçoivent les technologies de demain au Québec. C’est hyper intéressant parce qu’on a accès aux projets dès leur idéation.
On a de plus une grande variété de clients. On peut parler, dans une journée, à un manufacturier dans l’usinage de certaines pièces et à des gens qui font de la recherche pour faire pousser des plantes dans le Sahara!
Il y a aussi une grande fraternité dans cette profession au sein des équipes. On est tous des passionnés. Ça fait dix ans que mon équipe est la même ici, et ça, c’est vraiment quelque chose que j’apprécie.
Avez-vous des conseils à donner à des personnes qui souhaiteraient travailler en fiscalité d’innovation comme vous?
Je dirais qu’il faut exploiter son bagage technique ou scientifique, avoir un intérêt marqué pour les affaires et avoir envie de connaître les joueurs de demain dans les secteurs innovants.
En exerçant ce travail au sein de notre firme, on apprend à adapter nos connaissances au milieu concret des entreprises et on participe à la croissance de ces organisations. C’est stimulant.
Si cet esprit-là vous correspond, frappez à ma porte ou envoyez-moi un courriel, on doit sûrement pouvoir discuter d’opportunités ensemble.